Pierre François
C'est avec une immense tristesse que nous avons appris la disparition subite de Pierre François le 13 février dernier à Sète, à l'âge de 71 ans.
PIF, tel était son surnom !, avait fait une double exposition à la galerie et au Prétoire à Lannemezan l'été 2002. Il avait notamment présenté sa toile géante de 15 m sur 2,5m, réalisée en 1984 (montrée pour la première fois au Festival d'Avignon chez son complice théâtral de toujours André Benedetto) d'après le Monument aux morts de Lodève sculpté par Paul Dardé, un plaidoyer intemporel contre les guerres. Et à Pouzac un panorama de ses oeuvres récentes.
Inspirateur avéré, discret et modeste de la Figuration Libre, son oeuvre puise dans le plus grand des désordres dans la ville de Sète, le port, les cargos, la musique, des clins d'oeils permanents aux grands artistes de l'histoire de l'art..., mais dans le bon ordre de sa conduite artistique, c'est à dire avec humour, couleurs, inventivité et poésie.
Tous ceux qui l'on cotoyé cet été là n'ont pas oublié sa gentillesse et modestie, sa facilité mécanique et spontanée à écrire et répondre à des courriers, toujours en peinture et en graphismes.
De son séjour dans les Pyrénées, il avait été très impressionné par la montagne des cols, et avait peint plusieurs oeuvres, notamment une grande allégorie sur le Tour de France présentée dans l'exposition collective « Pyrénées ».
Je me permets de republier ce texte ci-dessous, écrit en forme de lettre pour le dépliant de l'exposition de 2002, pour lequel j'avoues, il n'y a pas grand chose à changer, tant cet homme et artiste était d'une belle constance.
« Cher Pierre François,
Il est très difficile, en si peu de lignes, de résumer votre parcours artisitique, pas loin de 50 années de créations en tous genres, à peu près tout, en fait, ce que peut produire un artiste « complet », curieux, inventif et libre. Et ce, sans s'obliger à peindre sur toile, sur papier, et même dans un atelier.
Pendant ces années de créations, vous avez fait du sport, un peu de droit, été courtier en vin, élevé des moules, vendu des machines à écrire... Mais cela est bien anecdotique en regard de la constance de votre oeuvre : tableaux, dessins, sculptures, illustrations, dessins animés, décors de films et de théâtre, costumes, affiches, gravures, santons, jouets, etc., etc.
En fait, vous peignez sur tout ce qui bouge, ou plutôt ne bouge plus, et c'est là je pense une des forces principales de votre travail, sans vous soucier, mais en tenant compte forcément, des supports employés, des formats et des possibilités de ces supports. Et ce avec toutes les peintures possibles et sous la main, qu'elles soient noblement artistiques ou bassement industrielles.
Il paraît que vous aimez bien un certain nombre d'artistes, parmi lesquels Picasso, Dufy, Matisse, Braque, Chagall, Ingres, Botticelli, Van Gogh, Gaudi, Dubuffet, Desnoyer... et vous leur rendez hommage régulièrement. Et ils vous le rendent bien lorsqu'on voit le résultat.
Vous aimez aussi beaucoup Sète, votre ville, où vous êtes né en 1935, et où vous avez quasiment toujours vécu, qui vous le rend bien aussi dans les oeuvres que vous lui consacrez depuis toujours. Il y a beaucoup de peintres à Sète, paraît-il, qui peignent des bateaux (pour de vrai) et des tableaux. Mais il me semble que le peintre de Sète en tous points, c'est bien vous.
D'ailleurs, et c'est Félix-Marcel Castan qui l'a écrit le premier en 1987, vous seriez le père de la Figuration Libre. Ces présumés enfants sétois que vous auriez eu (Combas et Di Rosa pour ne citer qu'eux) ne l'ont jamais démenti, ni confirmé. Vous non plus ! Ils ont du penser aussi à votre collègue languedocien de talent René Biosca.
Peu importe, l'on a beau tenter de vous mettre des étiquettes diverses et variées – artiste naïf, brut, décorateur, illustrateur, figuratif libre... -, même s'il y a un zeste de vérité dans tout cela, l'étiquetage du Pierre François tombe à l'eau du port de Sète !
L'univers que vous développez, aux sources de l'art du XXème siècle que vous aimez et digérez avec allégresse au fil de vos productions, s'avère hors normes. Comme les univers de vos amis de la colonie sétoise à Paris dans les années 50 : Biosca, Agnès Varda, Georges Brassens, Boby Lapointe, Suc et Serre...
Une liberté certaine de ton teintée de fraîcheur et d'impertinence, c'est là le fil conducteur de votre oeuvre, qu'il ne faut pas chercher dans une linéarité de sujets, de séries, de périodes. Votre peinture avance dans sa forme, avec jubilation, non sans maturité, sans se poser de questions contraignantes. » Sylvio Brianti, 2002