   
Julia LEGOUX
Le voyage intérieur
Née à Pierreville, à
quatre kilomètres du village où elle vit actuellement,
Julia LEGOUX se sent profondément ancrée au
Cotentin où elle est revenue s'installer depuis quelques
années. Peu attirée par l'agitation un peu stérile
des grandes villes, elle considère la solitude comme
synonyme de liberté. Autodidacte, elle ne cesse de
douter. Ce sentiment serait-il donc l'un des ressorts de sa
peinture ? Ce qui est sûr, c'est que Julia Legoux
est une femme de caractère, un tempérament comme
on dit. Elle a le sens de la formule et s'exprime aussi bien
par les mots que par le pinceau. Elle accorde cependant une
large place aux autres, ce qui n'est pas nécessairement
le cas de tous ses pairs. Ainsi reconnaît-elle avoir
beaucoup appris de ses contacts avec les enfants, signe suprême
d'humilité. D'abord institutrice, elle se spécialisa
dans la psychologie de l'enfant et devint rééducatrice
en psychomotricité. « Dans ma médiation
thérapeutique, avoue-t-elle, les gosses, que j'abordais
toujours comme des êtres uniques, me renvoyaient l'énergie
que je leur consacrais. J'ai beaucoup travaillé sur
le trouble psychologique qui inhibe l'intelligence et la créativité.
Comme la thérapie, l'art est un travail sur la forme.
Pendant de nombreuses années, j'ai donc pu sans problème
passer d'une activité à l'autre. Seul le temps
me manquait pour entreprendre tout ce que j'avais envie de
faire. Je me suis un peu rattrapée depuis lors. »
Dotée d'une énergie hors du
commun et prenant son destin à bras-le-corps, Julia
Legoux dialogue sans cesse avec la toile. « II arrive
un moment où c'est elle qui décide. Si je ne
l'écoute pas, elle me rejette. Je pars de mon désir
de peindre et j'affronte le vide. La matière jaillit
tout à coup puis, peu à peu, elle se structure.
Il me faut alors obéir à l'autonomie du tableau.
» D'abord figurative, puis abstraite (ce fut, soulignons-le,
une période intensément féconde), Julia
est revenue à la figuration, mais en puisant au plus
profond de son être, là où gisent les
pépites héritées de la petite enfance.
Son attrait pour les femmes orientales provient de cette période
lointaine où chaque objet, insolite ou non, peut se
teinter de merveilleux. Chez elle, ce furent de grands vases
ramenés d'Extrême-Orient par un proche parent.
Mais il y a peu de temps qu'elle fit le lien entre cet épisode
et son inspiration obsessionnelle, au sens noble du mot. Pourquoi
peindre des asiatiques alors qu'on descend des Vikings ? «
Moi qui ne voyage pas, je suis sur un thème exotique
depuis une bonne dizaine d'années. Je travaille en
fait sur la femme. Mais elle le mérite bien »,
lance Julia dans grand un rire. « C'est pour moi
une jouissance, mais qui s'exprime par une certaine violence.
» La couleur est franche, affirmant une nette prédilection
pour les rouges, les oranges, sans bouder pour autant les
bleus, d'une profondeur limpide dans la "Princesse tibétaine".
Le peintre qui affiche sa préférence pour la
peinture à l'huile, utilise des pigments minéraux
naturels d'une très grande stabilité. Cela ne
l'empêche pas d'exécuter de très belles
gouaches qui atteignent, selon nous, une pureté peu
commune dans le domaine de la nature morte. « Petite,
je m'étais aperçue que je ne voyais pas le monde
comme les grands, reprend Julia. Les adultes ne semblaient
pas percevoir ce que je ressentais. »
Heureux métissage de culot et de retenue,
Julia Legoux pratique peut-être une manière d'autoportrait
sans le savoir. Ses jeunes femmes apparaissent souvent deux
par deux. L'une des deux domine, l'autre est introvertie,
métaphore de la dualité qui habite un peu chacun
de nous. De surcroît, elles nous tournent le dos et
arborent un port de tête royal et presque indifférent.
En fait, elles regardent l'avenir. Leur nuque suggère
un certain raffinement sensuel. On aurait presque envie de
leur caresser les cheveux. « C'est la chair humaine
qui est intéressante, commente le peintre. J'ai besoin
d'exprimer ce qui la rend si proche. Quant à la «
réussite », notion toujours très délicate,
elle n'est pas fondée sur l'illusion mais la souffrance
et le travail. Quand on est vrai, on traverse tout sans problème.
On finit par être accepté... à condition
qu'en face on ait quelqu'un qui soit lui-même dans le
cheminement du vrai. La mort, c'est pour moi la part qu'occupe
Dieu. C'est la partie élégante de l'être
humain. Chacun de nous doit apprendre à terrasser le
dragon. La peinture suscite une vibration, une émotion
qui se transmet d'un être à l'autre. Un jour,
une enfant en difficulté m'a dit ; Tu sais, Julia,
t'es peintre. Ça se voit. C'est pas quand tu fais.
C'est quand tu dis. Petite, je me souviens de la délectation
que j'éprouvais lorsque, chaque matin, la maîtresse
écrivait la date au tableau. Je me disais toujours
: je voudrais avoir ce bonheur-là quand je serai grande.
» Aujourd'hui, on peut, sans trop risquer de se
tromper, affirmer que Julia Legoux est une femme heureuse.
Elle s'avoue même souvent étonnée de sa
« réussite ».
Luis PORQUET - Février
2005

Une vraie Normande de coeur, Julia LEGOUX,
et fidèle avec ça, à son Nord-Cotentin
où elle naquit et habite désormais.
D'ailleurs, il n'est qu'à suivre ses
expositions depuis 1976, en majorité situées
en Basse-Normandie, où de nombreux prix au fil de salons
renommés ont défini son talent et sa réputation
artistiques.
En effet, quelle étrange et séduisante
peinture signée Julia LEGOUX, qui dissimule avec brio,
afin de mieux exprimer l'essentiel, pour faire brillamment
éclater le geste et le concept.
Ses larges touches dynamiques sont travaillées
en camaïeux fort expérimentés d'où
surgit la lumière et où s'approfondissent formes,
générosité et expression.
Une peinture moderne donc, mais sans vanité,
très personnelle, éclatante de vitalité,
où le motif sait se confronter à la dualité,
qu'il s'agisse de personnages sensuels dans une atmosphère
vaporeuse, ou de brillantes et audacieuses compositions florales.
Quant aux sites naturels, Julia LEGOUX y déploie une
ampleur quasi-informelle d'où naissent la puissance,
le dramatique et la suggestion, bien à l'image de l'environnement
qu'elle crée également autour d'êtres
mystérieux, mais dynamiques et expressifs, ennoblis
de couleurs magiques dans un engagement gestuel superbement
peint.
André RUELLAN, critique
d'art
www.art-culture-france.com
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